Carte blanche: «Le choix du F-35 n’est pas un geste anti-français» David Clarinval s'exprime sur l'achat des F35

Défense: «Le choix du F-35 n’est pas un geste anti-français», par David Clarinval, parlementaire belge

 

J’ai été interpellé par les articles parus récemment dans la presse française stigmatisant le choix de la Belgique d’acheter, pour sa composante aérienne, des avions américains F-35 en remplacement de ses F-16. Le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier, regrettait encore ce choix récemment, évoquant une préférence pour les produits américains voire un choix prémédité avant l’appel d’offres.

La Belgique reste pourtant un allié historique de la France. Les accords bilatéraux de coopération militaire entre nos deux pays débouchent sur une centaine d’exercices annuels. Nous faisons également partie de l’initiative européenne d’intervention proposée par le président Macron. Est-il nécessaire de rappeler que des militaires belges contribuent à l’état-major du corps de réaction rapide-France, à Lille, ou à l’Eurocorps ? Nous avons soutenu sans réserve l’activation de l’article 42.7 du traité de Lisbonne [prévoyant aide et assistance entre Etats membres de l’UE en cas d’agression armée de l’un d’entre eux] après les attentats de Paris de novembre 2015, nous sommes présents au côté de la France au Mali depuis les premiers jours de l’intervention, nos pilotes de chasse sont encore actuellement formés ensemble en France.

Fort de cette volonté de pouvoir continuer à jouer pleinement son rôle en matière de défense européenne, le gouvernement belge concrétise actuellement une série d’achats militaires : avions de chasse, chasseurs de mines et frégates. Mais aussi des véhicules de combat pour l’armée de terre qui va d’ailleurs adopter la doctrine d’utilisation et les modes de formation, d’entraînements et de communication français. Sur ces points trop rarement mentionnés, nous sommes résolument inscrits dans un cadre d’intégration bilatéral belgo-français et européen fort. Il n’y a donc aucun rejet de l’Europe de la défense, la ministre française des Armées l’a d’ailleurs souligné.

«Le système de combat aérien du futur franco-allemand n’en est qu’à l’état embryonnaire. L’Italie et la Grande-Bretagne ont un projet similaire, tout aussi hypothétique. Or, nos besoins en matière de sécurité ne pouvaient attendre. Est-ce cela qui fait de notre pays un traître à la cause européenne? Non !»

Au total, les investissements belges seront d’ailleurs répartis à 50 % pour des programmes européens et 50 % pour d’autres programmes qui ont, comme le F-35, une forte composante européenne : 30 % des composants du F-35 sont en effet d’origine européenne.

 

Pour le renouvellement de ses F-16, la Belgique a opté pour une procédure transparente et ouverte : celle du marché public, à laquelle la DGA (ou serait-ce Dassault lui-même ?) n’a pas souhaité s’inscrire dans l’étape finale de la comparaison. L’évaluation des deux offres, à avoir le F-35 et l’Eurofighter, fut sans équivoque. Le partenariat avec les États-Unis et l’achat du F-35 constituent le meilleur choix pour notre pays sur le plan financier, opérationnel et du retour sociétal.

De plus, ces avions doivent être livrés entre 2023 et 2029. Le système de combat aérien du futur (SCAF) franco-allemand, qui n’en est encore qu’à l’état embryonnaire, est prévu pour 2040, s’il ne connait aucun report d’ici là. L’Italie et la Grande-Bretagne ont annoncé un projet similaire baptisé Tempest, tout aussi hypothétique. On connait, hélas, les retards rencontrés dans les projets européens tel que le NH-90 ou l’A-400M. Or, nos besoins en matière de sécurité et de participation à des coalitions internationales ne pouvaient attendre plus longtemps. Il y allait de nos engagements internationaux, notamment de notre participation crédible à la Défense collective de l’espace euro-atlantique. Est-ce cela qui fait de notre pays un traître à la cause européenne ? Non !

«La proposition française, autour du Rafale, ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’appel d’offres lancé par l’Etat belge. Choisir cette option aurait non seulement été illégal mais source potentielle de recours»

De son côté, la proposition française – hors procédure – s’est présentée sous la forme d’un «partenariat stratégique» autour de l’avion de combat Rafale de Dassault Aviation. Les experts juridiques de la défense, mais aussi ceux d’un cabinet privé, ont averti qu’elle ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’appel d’offres officiel lancé en mars 2017 par l’Etat belge. Choisir cette option aurait non seulement été illégal mais source potentielle de recours.

La vraie question que les observateurs français auraient dû se poser était de savoir pourquoi Dassault a privilégié cette démarche plutôt que la procédure transparente proposée. Dassault (ou la DGA ?) craint-il la procédure belge et une comparaison entre les coûts du Rafale avec ses autres concurrents ? A ce jour, et malgré les demandes répétées, le prix des avions français nous reste inconnu. La DGA s’est contentée de solliciter la signature d’accords de non-divulgation qui ne portaient que sur la fourniture de 34 Rafale à la Belgique, sans jamais évoquer la participation à un projet de système de combat aérien du futur (SCAF). Que les nombreux intervenants français dans ce dossier se tournent vers Dassault et la DGA pour poser les questions et sans doute relayer leurs critiques…

La Belgique est un Etat actif dans la construction d’une défense européenne, mais elle fait aussi partie de l’Otan au sein duquel elle souhaite accroître la visibilité de son pilier européen. Notre choix de partenariat avec l’Alliance atlantique est aussi, fondamentalement, européen. Les deux organisations sont complémentaires et, comme l’affirme la déclaration gouvernementale de 2014, la défense belge s’inscrit dans un modèle de coopération et de solidarité internationales au sein de l’Otan, de l’Union européenne et de l’ONU.

Les Etats-Unis, au même titre que la France, ont toujours été nos alliés. Nous faisons le choix d’alliances structurelles stables. Nous en avons besoin au sein de l’Union européenne et de l’Otan. C’est un message pour la paix, la sécurité et la crédibilité de notre pays.

David Clarinval est le chef de groupe du Mouvement réformateur (le parti libéral francophone du Premier ministre, Charles Michel) à la Chambre des représentants de Belgique.

https://www.lopinion.fr - 9 novembre 2018

 

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